D1

 

 

 

Histoire de Jean Troin, serrurier, de Bargemon d’après les échanges de courriers conservés dans les archives de la bastille. (En ligne sur le site Internet de la BNF)

 

 

Réf document   :  8 La 29 26 (12)

Paris 1881 - Collectif - Archives de la Bastille - Règne de Louis XIV (1709 à 1772) - Tome 12

Page 52

 

 

TROIN, dit DELISLE  *

Pierre philosophale.

 

PONCHARTRIN à M DE GRIGNAN

 

Marly, 30 mai 1708

 

 

Troin, qui vous rendra cette lettre, m'a dit être  parti de la Pro­vence, pour informer le Roi qu il y a dans ce pays un particulier appelé Delisle, qui à le secret de changer le fer et le plomb en or et en argent, qu’il en a vu plusieurs expériences, l'ayant servi pendant cinq ans, qu'il demeure dans le château de Saint-Auban, et qu'il a vu plusieurs gentilshommes des environs travailler avec lui. Sur le compte que j'en ai rendu à S. M . Elle m’a commandé de vous adresser ce paysan qui vous expliquera toutes les circons­tance, qu'il  sait, et quoique elle ait fort peu de créances  pour ces sortes de secrets, elle vous laisse une liberté entière de faire tout ce que vous jugerez à propos pour éclaircir cet avis, soit en fai­sant arrêter de l’Isle, qui pourrait bien être un faux  monnayeur.

et prenant des précautions peur y réussir, ce qui ne sera pas aisé, s’il craint d’être découvert, puisqu'il est sur les frontières de M. le duc de Savoie, ou par les autres voie, qui vous paraîtront  plus certaines, vous prendrez, la peine de m'informer de ce que vous aurez fait. (A. M.)

 

 

* ordre d’entrée  du 27 mars 1711. Contre signé Voysin


D2

 

M.  DE GRIGNAN A PONCHARTRAIN.

 

Orange, 12 septembre 1708

 

 

I1 y a quelque temps que Troin  me rendit une lettre que vous m'aviez fait l'honneur de m'écrire au sujet de Delisle, qui se mêle de travailler à la transmutation des métaux; j'en avait déjà beaucoup oui parler , j’ai toujours cru qu’il n’a que le secret de tant d’autres gens de même espèce qu’on a vu passer et  dont l'habileté consiste dans la subtilité de leurs mains et dans la finesse de certains manèges pour tromper ceux que la faim de l'or a commencé d'aveugler. Je me confirmé dans cette pensée par des éclaircissement que j'ai pris sur la vie qu'il avait menée sous son véri­table nom de Jean Troin, serrurier, de Bargemon, village de Pro­vence, sur la manière dont il s'est introduit dans son nouveau métier, sur les friponneries qu'il a faites à divers particuliers pour fournir l’aliment nécessaire aux tromperies à faire à autrui et se donner une réputation. Et à dire vrai, j'aurais cru devoir prendre des mesures pour le confondre, tirer de l'erreur la contrée de Provence il joue ce personnage, et faire finir l'impunité des crimes peur lesquels il y a des condamnations contre lui, et auxquels on peut le soupçonner d'en ajouter d'autres, si je n'avais su qu'un sauf conduit  qu'il obtint, il y a deux ans, pour le laisser travailler sans le troubler, avait été renouvelé au mois de juin dernier pour un an, sous prétexte que la guerre l’avait empêché de finir les prétendus préparatifs après lesquels il s'est vanté d'aller faire des épreuves devant le Roi, ce qu'on peut compter, qu'il prépare effectivement est un nouveau prétexte pour allonger encore, ou un moyen peur disparaître avant qu'en puisse lui demander l'effet de ses promesses.     (A. M.)

 


D3

 

 

PONCHARTRAIN.  A  M. DE GRIGNAN

 

 

Versailles 28 septembre 1708

 

 

 

S. M. a trouvé votre sentiment au sujet de Troin ou Delisle bien différent de celui de M. de Senes et d'autres qui le regardent comme un homme merveilleux, mais elle ne s’est pas souvenue du nou­veau sauf-conduit que vous me marquez lui avoir été accordé, et je vous prie, de vous à moi, de me marquer qui l'a expédié. Elle désire que vous m'expliquiez avec plus de détail ce que vous saurez de la conduite de ce particulier et de ses subtilités dans son travail. (A. M.)

 


D4

 

LE MEME (PONCHARTRAIN. ) A L'Evéque DE SENES

 

 

MARLY le 7 novembre 1708

 

 

 

 

J'ai reçu la lettre que vous avez pris la peine de m'écrire sur les opérations de Delisle, et de la fidélité duquel vous croyez être certain par l'attention que tous avez eue sur lui, et l’ai lue au Roi; il m'a paru que S. M. serait bien aise de voir, le clou qu'il a fait, et si vous voulez bien me l'envoyer en le mettant dans une boite que vous  donnerez, au commis de la poste, en la lui recommandant, J'aurai soin de vous la renvoyer aussitôt qu'elle l'aura  vu; vous pouvez encore y ajouter ce que vous pensez sur les desseins de Delisle, et s'il serait en état de travailler pour rendre sa découverte (trop excellente pour la croire sans la voir) utile au Roi.(A. M.)

 


 

D5

 

L'EVEQUE DE SENES *  A VOYSIN

 

*  Jean Soanen, oratorien,évéque de Senes depuis 1695; c'etait un homme d'esprit mais de jugement médiocre, qui s'était laissé duper par les manoeuvres d'un miserable charlatan de village; il donna plus tard dans les jongleries des jansenistes et fut traduit devant le conseil d'embrun, qui le declara suspendu de la pretrise et de l'episcopat; il finit ses jours dans l'abbaye de Lisledieu, à 92 ans.

 

Senez  15 novembre 1709 

 

Après vous avoir marqué, il y a plus d'un an, ma joie au sujet de votre élévation, j'ai l'honneur de vous écrire aujourd'hui ce que je pense sur M. Delisle, qui a travaillé à la transmutation des métaux, dans mon diocèse, et quoique je m'en sois expliqué plu­sieurs fois depuis deux ans à M. le comte de Pontchartrin, parce qu'il me le demandait, et que J'aie cru n'en devoir pas parler à M. de Chamillart, ou à vous, tant que je n'ai pas été interrogé, néanmoins, sur l'assurance qu'on me donne maintenant que vous voulez savoir mon sentiment, je vous le dirai avec sincérité pour les intérêts du Roi et le gloire de votre ministère.

 

Il y a deux choses sur M. Delisle qui, à mon avis, doivent être examinées sans prévention : l'une est son secret et l'autre sa personne, si ses opérations sont véritables et si sa conduite a été régulière.

 

Quant au secret de la transmutation des métaux, je l'ai jugé longtemps impossible, et tous mes principes m'ont rendu incré­dule plus qu'aucun autre sur Delisle durant près de trois ans, pen­dant ce temps je l'ai négligé, J'ai même appuyé les Intentions d'une personne qui le poursuivait parce qu'elle m'était recom­mandée par une puissance de cette province, mais  cette personne ennemie m'ayant déclaré dans son plus grand courroux contre lui qu'elle avait porté plusieurs fois aux orfèvres d'Aix, de Nice et d'Avignon, le plomb et le fer de Delisle, changés devant elle en. or, et qu'ils l'avaient trouvé très bon, je crus alors devoir me défier un peu de ma prévention ; ensuite l'ayant rencontré durant ma visite épiscopale chez un de mes amis, on le pria d'opérer devant moi ; il le fit, et lui ayant moi-même offert quelques clous de fer, il les changea en argent dans le foyer de la cheminée de­vant six au sept témoins dignes de foi; je pris les clous transmutée et les envoyai par mon aumônier à Imbert, orfèvre d'Aix, qui, après les avoir fait passer par les épreuves, déclara qu'ils étaient de très bon argent.

Je ne m'en suis pourtant pas tenu là; M. de Pontchartrain m'ayant témoigné, Il y a deux ans, que je ferais chose agréable à S. M. de la bien informer de ce fait, j'appelai M. Delisle à Castellanne, Il y vint; je me fis escorter de huit ou dix hommes très at­tentifs, les avertissant de bien veiller sur ses mains, et devant nous il changea sur un réchaud deux pièces de plomb en deux pièces d'or et d'argent que j'envoyai à M. de Pontchartrain, et qu'il fit voir aux meilleurs orfèvres de Paris, qui les reconnurent d'un très bon carat, comme sa réponse que j'ai en main me l'apprit.

Je commençai alors d'être fort ébranlé ; mais je l'ai été bien davantage par cinq ou six opérations que je lui ai fait faire devant moi, à Senes, dans le creuset, et encore plus par celles que lui­même en a fait exécuter devant moi sans qu'il touchàt rien.

Vous aurez encore vu la lettre de mon neveu, le P. Bérard, de l'Oratoire de Paris, sur l'opération qu'il avait faite lui-méme à Castellane, dont je vous atteste la vérité; enfin, mon autre neveu, M. du Bourget, étant venu ici depuis trois semaines, a fait aussi la même opération, dont il aura l'honneur de vous faire le détail, et ce que nous avons vu et fait , cent autres personnes de mon diocese l'ont vu et fait aussi

Je vous avoue qu'après ce grand témoignage de tant de spectateurs, de tant d'épreuves, de toutes sortes, mes préventions ont été forcées de s'évanouir, ma raison a cédé à mes yeux, et mes fantômes d'impossibilité ont été dissipés par mes propres mains.

(BN.)

 


 

D6

L'EVEQUE DE SENES

 

Senez 1 août 1710

 

J’ai eu l'honneur de vous répondre, vers le mois de mars, touchant Delisle, et votre lettre d'alors me marqua que cette affaire roulait uniquement sur le témoignage que j’avais rendu de la vérité de ses opérations. Dès ce moment j'ai redoublé mes soins aussi bien que mes inquiétudes pour le fardeau que vous mettez sur moi; mais, grâce au Seigneur, depuis que M, le président de Saint-Maurice a tout vu par ses yeux dans Saint-Auban, qu'il a même opéré par ses mains, jusqu'à changer du plomb et du fer pour plus de 600 FR., et qu'il a marqué â la Cour qu'il était convaincu de la vérité de la transmutation, je me sens délivré d'un terrible poids par un tel suffrage, qui est cause aujourd'hui que l'affaire ne roule plus sur moi, parce que le témoignage d'un homme de cette pénétration et de cette expérience est une écla­tante justification du mien et une décharge solennelle que la Pro­vidence m'a voulu envoyer.

Il n'est donc plus question de secret à mon égard; il ne s'agit maintenant que du voyage à la Cour, et je ne dois être encore moins comptable de cet avenir, puisque, dans mes lettres écrites à M. le Ministre et à vous, je n'ai parlé sur ce point que comme interprète de Delisle, en répétant ses, propres paroles, en vous disant qu'il me promettait ce voyage, et j'ai bien pu répondre de son secret que je voyais, mais non de son coeur que je n'ai pu voir. J'ai promis seulement de ma part au Roi une très grande attention, et j'ai, en effet, apporté tant de vigilance sur les matières qui sont entre mes mains pour avancer, ce voyage, qu'au moment ou j'y aperçois le moindre contretemps. Je vous en avertis sans délai.

Je commence de voir avec douleur que ce que Delisle à  ici de poudre, et d'huiles ne saura être prêt pour le temps marqué, au moins dans une quantité un peu convenable; mais  je lui dois rendre cette justice, que ce n'est point sa faute; car j'avais espéré, comme lui, quand je vous écrivis en carême, que les mois d'avril, mai, juin et juillet nous donneraient comme à l'ordinaire, de grandes chaleurs qui devaient décider pour nos matières ;mais le ciel n'a pas répondu à nos vœux . C'est un fait notoire à tout ce pays, jamais printemps ni commencement d'été ne furent plus pluvieux ni plus froids dans nos montagnes, et depuis le premier d'avril jusqu'a présent, à peine avons nous eu en tout, à diverses fois, quinze beaux jour, je serais désolé que cet obstacle qui recule l’oeuvre d'ici, fit aussi différer le voyage, et c'est par là que, quand je presse M Delisle d'aller à la Tour, il me ferme la bouche, en me répondant qu'il y sera d'abord que ses poudres seront prêtes, car je vois déjà trop clairement qu'il est assez difficile que celles d'ici soient en état de donner assez de mercure dans  le temps du sauf-conduit, sans être gâtées pour l'avenir en les précipitant.

Mais je dois vous ajouter, ce qui me console raisonnablement et  qui doit aussi, à mon avis, sons donner autant d'espérance qu'à mai pour ce voyage, c'est que M. Delisle est si assuré de son fait et si habile, qu'il a toujours de très bonnes poudres par devers lui, pour en faire des coups d'éclat quand il veut, et je crois aussi que son penchant le plus ordinaire est  de faire souvent plus qu'il n'a promis, et d'opérer en plusieurs occasions lorsqu'on ne s'y attend pas. le l'ai convaincu plus d'une fois en riant qu'il avait d'autres poudres parfaites, sans celles d'ici, qui ne le sont pas, car après m'avoir protesté souvent qu'il n'en avait pas un grain, je lui ai fait toucher du doigt qu'il fallait qu'il en eût une bonne pro­vision:

 

1/  Parce que trois jours  après me l'avoir nié, II avait transmuté à Saint-Auban tous les boutons de son justaucorps et de sa veste en or pour la somme de plus de 2,000 FR

 1/  parce que depuis deux mois il avait changé du plomb en or de la somme de plus de 600 FR. pour M. de Saint-Maurice, comme j'ai déjà dit ci-dessus;

3/   parce que, passant ici deux on trois heure,, il y a quatre jours, pour aller à Seyne, quoiqu'il m'eut nié d'avoir de bonne poudre, il lui échappa une heure après de me le dire  qu'il ne pourrait pas se dispenser de faire devant M, d'Artaignan, qui voulait l'aller voir à Saint-Auban, une opération aussi forte que celle qu'il avait fait, devant le président, et que si ensuite M le maréchal duc de Barwick y allait aussi, il faudrait bien en faire encore plue. Ce fut là-dessus que je fis deux démarches sur-le-champ; la première fut de le convaincre sans réplique qu'il était donc vrai, par son propre aveu, qu'il avait encore actuellement deux fois autant de poudre qu'il n'en avait employé pour le président; qu'ainsi, parce mémé aveu, il avait pour le moins de quoi faire dès maintenant 4 ou 500 écus devant le Roi, ce qui contenterait S. M., et que par conséquent il devait partir pour la Cour, sans bruit, an commencement de sep­tembre prochain. Et ma seconde démarche sur ce qu'il venait de dire fut de lui donner, par écrit, une défense de la Cour de faire la moindre dissipation de ses poudres, avec ordre a lui de les ré­server toutes pour le Roi. Il m'a paru se rendre à mon conseil sur. Le champ, et un moment après j'ai  vu un écart, et n'ai au sur quoi compter. Je dois cependant ajouter, de très bonne foi, que je ne vois pas encore une mauvaise intention en lui, mais seulement un esprit porté à traîner trop pour vouloir trop faire quand il se montrera, et que si on vous a mandé qu'il était allé à Turin depuis peu, on s'est trompé, car il n'est allé avec l'abbé de Saint.Auban qu'à Monaco et de lit à Menton pour y voir sa femme et sa fille qu'il tient là depuis longtemps dans les terres d'un prince tout français. J'aurai encore l'honneur de vous déclarer, pour le service du Roi, la joie que j'ai de voir que M. Delisle se lie un peu à M. le président de Saint-Maurice, et qu'on doit compter Infiniment plus sur un homme de son mérite que sur l'abbé de Saint-Auban, qui me parait un peu trop caché.

Vous conclurez de tous ces faits, encore mieux que moi, que M. Delisle peut dès maintenant faire le voyage de la Cour quand il voudra, puisqu'il a d'autres poudres en état, très certainement, mais je ne croirais pas qu'il fût encore à propos de presser trop là-dessus un homme de ce secret qui doit être ménagé, et néanmoins, si vers le milieu du mois prochain, je vois qu'il traîne en­core l'affaire en longueur, je vous en avertirai pour me mettre à couvert de tout reproche. Je Dois ici pour ne pas vous fatiguer plus longtemps, mais le P. Bérard, de l'Oratoire, et M. de Bourget, son frère, qui sont mes neveux, auront l'honneur de vous dire d'autres circonstances, si vous le leur ordonnes, tant j'ai envie de bien servir le Roi à toute épreuve.                                                                    (B. A.)

 


 

D7

 

Mr de  SAINT-maurice  au  meme

 

Digne, 17 août 1710.

 

Je n'ai pas eu l'honneur de vous mander que M. Delisle m'était venu voir depuis peu à Senez et m'a fait comme espérer que lorsque je partirai de Provence, Il viendra avec moi à Paris; mais je n'ose m'en flatter, car M. de Senez, qui s'est donné la peine de venir jusqu'ici pour s'aboucher avec moi, m'a dit que Delisle ne lui avait pas encore marqué le temps préfix, disant toujours qu'il irait à la Cour lorsque ses bouteilles et sa poudre métallique seraient parfaites. Il m'a assuré que Delisle n'avait pas à Senez plus de dix-sept onces de poudre métallique, et que son huile du soleil ne serait point parfaite à l'expiration de son sauf-conduit, parce que l'été avait été contraire, mais M. de Senez ne doute pas que Delisle n'en ait d'autres en état d'opérer chez M. l'abbé de Saint­Aubin, et il en tire ses conséquences, parce qu'avant l'épreuve qu'il a faite devant moi à Saint-Auban, il l'avait assuré n'avoir rien de prêt ; cependant il s travaillé depuis devant moi, et a fait montre d'opérations considérables, voulant en faire encore devant M. le maréchal de Barwick et devant M. le comte d'Artaignan j'ai représenté à Delisle qu'il ne devait point consommer ce qu'il pouvait avoir, mais le conserver avec exactitude pour opérer devant S. M.

J'aurai l'honneur de vous dire sous secret que j'appréhende fort que l'abbé de Saint-Auban ne soit le plus grand obstacle pour empêcher le voyage de Delisle, et M. de Senez m'a paru fort sur­pris, lorsque je l'ai assuré d'avoir parlé, à Cannes, à M. Pascalis, procureur de Turin, qui m'a certifié, en présence de témoin, avoir parlé à Turin, au mois de mars dernier, à Delisle, qui y resta deus jours avec un abbé que je reconnus, sur le portrait qu'il m'en fit, pour être l'abbé de Saint-Auban. J'eus méme l'honneur de vous en donner avis, on à M. Desmarets en ce temps-là. Ce que je vous mande cependant est très certain et très positif; vous con­viendrez que ce voyage ne signifie rien de bon, et doit faire con­jecturer que Delisle médite sa retraite hors du royaume. J'ai cru qu'il était de mon devoir de vous en donner avis, M. de Senes me l'a môme conseillé, et ma paru qu'il ne serait pas fiché que le mi­nistre prit là-dessus des mesures; c'est pourquoi, quoique Delisle m'ait donné beaucoup de belles paroles, je croirais que la Cour ne

devrait pas attendre l’expiration de son sauf-conduit, mais devrait s'assurer de cet homme d'une manière honnête, aussi bien que de toutes les préparations qu'il peut avoir dans le château de Saint­Auban.

Je ne dois pas même vous cacher une chose qui me fait de la peine, c'est que Delisle a dans cette ville une difficulté très consi­dérable avec M. Taxis, marchand de Digne, au sujet d'une prépa­ration dont le fonds est de 20,000 livres, déposées entre les mains    de Taxis, que Delisle prétend avoir été gâtées par Taxis, Delisle ayant avoué qu'il ne restait plus que quatre onces d'or dans toute cette préparation, qui a été commencée il y a eu six ans au 4 mai dernier.

M. de Senez allègue plusieurs bonnes raisons en faveur de Delisle, mais il y en a d'autres contre lui.

Il est à propos que vous soyez informé de tous ces faits particu­liers, afin que vous ayez la bonté de concerter avec Mr. Desmarets ce qu'il y a à faire sur cet égard; si vous le jugez à propos l'un et l'autre, vous n'avez qu'à m'envoyer vos ordres, dans le temps que je suis en Provence, et je vous réponds de m'assurer de M. Deliste et des poudres et de l'huile qu'il peut avoir chez l'abbé de Saint-Auban, et je ferai les choses de manière que la Cour aura lieu d'être contente des précautions que je prendrai, et je me comporterai de manière que j'empêcherai que Delisle ne s'effarouche et qu'il ne soit hors d'état de travailler devant le Roi, et je réponds de le mener à la Cour; mais il me faut peur cela un ordre positif de M. Desmaretz. Il ne me paraît pas que ce soit violer le droit des gens que d'obliger un homme obsédé d'aller parler A S. M., et cela serait différent s'il était arrêté avant l'expiration de son sauf. conduit pour lui faire son procès. J'attendrai vos ordres et voire réponse sortons ces faits, et vous prie de me les adresser à M. du Pignet, directeur de la monnaie d'Aix, pour les faire tenir partout où je serai.   (D. A.)

 


 

D8

 

 

Le Même a monsieur de nointel. *

 

 

* Louis de Nointel, conseiller d'état. Il avait été chargé par Pontchartrain de surveiller le faiseur d'or et l'évêque, son patron.

 

 

 

Digne, 17 août 1710

 

 

J'ai l'honneur de vous écrire dans la chambre de M. le président de Saint-Maurice, auquel je suis venu rendre mes devoirs en cette ville, et j'ai cru être obligé de conférer avec lui au sujet de l'affaire que vous m'avez confiée. J'ai vu en lui tant de pénétration et tant de droiture pour le service de S. M., qu'il m'a paru que je ne pouvais mieux faire que de lui communiquer mes espérances et mes craintes sur notre nouveau philosophe. Nous sommes en­trés dans les mêmes sentiments sur son sujet, et je vous avouerai, sans aucune complaisance, que ma conversation avec M. le prési­dent m'a persuadé qu'en deux ou trois fois qu'il a vu Delisle, il l'a connu aussi à fond et encore mieux que je n'ai pu faire depuis trois on quatre ans. Il m'a même communiqué la lettre qu'il a l'honneur de vous écrire aujourd'hui, et comme elle vous marque tous les faits, je n'ai qu'à vous en confirmer la vérité de ma part. Le seul que j'ignorais, c'est le voyage de Turin, et c'est celui-là qui m'afflige le plus et qui me fait tirer des conséquences plus fâcheuses. J'ai pris la liberté de vous dire dans ma dernière lettre, ou de vous faire savoir par M. Dubourget, mon neveu, que je ne pouvais croire ce voyage de Troin, mais que je m'en informerais à fond, et je le vois aujourd'hui si bien prouvé par le détail qui vous en est fait dans la lettre de M. le président, qu'il ne m'en reste qu'une vraie douleur et une triste conviction qu'il faut prendre des mesures, et à mon avis on ne saurait mieux les confier qu'à M. de Saint-Maurice ; mais j'ose vous ajouter qu'il me parait chose nécessaire ou du moins utile au service du Roi, de ne rien pousser avant la fin de septembre, parce que d'ici à ce temps-là je suivrai encore notre homme de plus près pour mieux approfondir ses dis­positions. Et si ses démarches deviennent plus réelles et mes sû­retés plus grandes, je vous en rendrai un compte exact qui répon­dra toujours à mon zèle pour le Roi. (B.A.)

 


 

D9

 

M. de SENEZ à M. Saint-Maurice

 

9 janvier 1711

 

 

J'ai différé de vous répondra parce que je n'ai pu parler qu'au­jourd'hui à l'homme en question pour vous informer bien positi­vement de l'état présent des choses de ce côté-ci. Comme votre dernière lettre, parmi plusieurs traits de votre pénétration, en avait aussi quelques-uns de votre ressentiment contre le chimiste, j'ai cru ne devoir pas la lui montrer, et je lui en ai dit seulement une partie à ma mode pour ne le pas effaroucher tout à fait, si je lui avais laissé entrevoir le mépris ou l'indifférence que la Cour témoigne pour son secret; mais votre silence à son égard l'a désolé, et comme il sent peut-être un peu trop le prix de son art, par la vérité de ses opérations, et que d'ailleurs des têtes du premier ordre le préviennent par des lettres obligeantes, je n'ai pu lui faire digérer la privation de la vôtre. Cela seul a pensé nous l'enlever depuis un mois, parce que, selon lui, en ne lui répondant pas, on lui fait entendre qu'on ne veut pas de lui; mais je l'ai engagé à ne rien gâter par sa sortie, et lui ai fait promettre de me donner en­core trois semaines et de se tenir autour de Saint-Auban. J'ai prie ce temps comme m'ayant paru un expédient nécessaire à vos inten­tions et à son propre intérêt, mais je n'ai pu l'y faire consentir que sous la condition que je ferais aujourd'hui une dernière tentative pour obtenir, s'il se peut, un dernier sauf-conduit pour deux ans parce qu'un temps plus court serait inutile.

Souffrez donc que pour l'intérêt du Roi et pour la dernière fois, je vous prie de faire une nouvelle réflexion sur les raisons de ma dernière lettre et d'y ajouter celles que vos épreuves de Paris et nos dangers d'ici rendent plus fortes que jamais, car, après la convic­tion que vous venez d'avoir de la bonté de son or par plusieurs fontes faites sous vos yeux, il faut que les plus incrédules se ren­dent comme je ne me suis rendu moi-méme qu'à de pareils faits, et je ne pourrai plus passer pour dupe sur ce point, que chez ceux qui veulent se laisser tromper par leurs préventions. Or il s'ensuit de là bien évidemment, qu'à la vérité on peut et doit avoir quelque empressement de voir un tel ouvrier, mais qu'il ne faut pas aussi le pousser à bout par des moyens tant soit peu violents, ce qui serait se perdre sans remède, car le refus d'une prolongation lui a imprimé tant de défiance de la Cour, qu'il m'est impossible de les lui ôter, malgré tous mes soins ; c'est pourquoi il est si fort sur ses gardes, que si on prenait le parti de l'arrêter, on le manquerait infailliblement, ne couchant jamais deux nuits de suite dans le même endroit, et si on le manque une fois, c'est pour toujours, tant de princes étrangers lui offrant d'eux-mêmes leur protection, que je ne pourrais plus le retenir, comme je l'ai retenu jusqu'ici autant par son coeur que par le mien. Au fond, c'est un homme qui n'a rien pris du Roi, qui ne lui demande pas un denier par avance, qui a mis au contraire en dépôt bien sûr chez moi, depuis un an, un gage considérable de sa fidélité, qu'il a augmenté depuis ce temps par de grosses fontes de lingots d'or, en huiles et autres liqueurs déjà consommées sur ses matières, qu'il ne recherche pas aujourd'hui cette prolongation de deux ans pour la tourner à son profit, mais pour faire utilement de plus grosses dépenses nécessaires à la perfection de ses poudres qui ne sortiront jamais de mes mains que pour passer dans colles de S. M. et pour être em­ployées par lui devant elle, dès qu'elles seront en état.

Mais puisque nous sommes au pied du mur, et à la veille de tout perdre, il faut aussi vous dire tout, car mon attachement à toute épreuve pour le Roi, et après lui pour vous, ne me permet pas de vous rien cacher, Je viens de découvrir clairement que le plus grand obstacle qui empêche notre homme d'aller de lui-même à Paris, c'est qu'il s'est mis en tète que M. le Ministre des finances est fortement prévenu contre lui, qu'il le regarde comme un im­posteur, qu'il est si ferme dans ce sentiment qu'il n'en reviendra jamais, quand méme il verrait par ses propres yeux ce que vous avec vu. Pardon, si je vous dis trop naïvement ce que je viens de voir, mais je ne sais point aimer mon prince autrement; j'ai fait font au monde pour ôter à notre homme ces frayeurs, mais il me parait que quelques manières tant soit peu douces, quelque signe de vie qui n'eût rien coûté à M. Desmarets auraient levé tous ces empêchements, d'autant plus que M. Chamillard l'avait gagné par une seule lettre, car encore un coup il faut vous dire tout. Je crains cependant que ce remède qui aurait été si efficace ne soit plus à temps, et qu'on n'en prenne un bien opposé; mais si cela était, je suis convaincu qu'il serait très pernicieux aux vrais intérêts du Roi, et qu'on se jouerait à manquer cet homme qui est très subtil, et qu'en le manquant on le perdrait pour toujours; au lieu qu'au contraire, s'il vous est permis de lui faire à lui-même oui à moi pour lui une réponse un peu douce, d'y insinuer tant soit peu de bonté de la part de M. le Ministre, et d'y ajouter qu'il peut tra­vailler pour le Roi en toute sûreté encore deux ans, je lui montre­rais cette lettre sans la lui lâcher, ou je ne la lui donnerais qu'a­près qu'il aurait fait toutes les fontes d'or qui sont nécessaires pour ses huiles; ce sont mes sentiments pour le Roi, je les soumets aux ordres de S. M. auxquels j'obéirai en tout temps, et je serai , etc.

 

Senez le 9 janvier 1711

 

P. S. J'ai emprunté la main de mon secrétaire pour rendre ma lettre plus aisée à lire, et je vous supplie de vouloir bien la montrer à M. le Ministre, et, s'il se peut, au Roi lui-même, le croyant nécessaire pour ma décharge.

 

Apostille de M. d'Argenson : Je ne vois point à qui cette lettre est écrite.   (B. A.)

 


D 10

 

 

LE MÊME A M. DE NOINTEL

 

 

14 mai 1711

 

 

Vous avez su sans doute, et presque aussitôt que moi, que de Lisle a été arrêté à Nice, et qu'on le mène à Paris. J'aurais mieux aimé qu'il y fut allé par son propre mouvement, et qu'il eut voulu suivre mes conseils, car, depuis trois ans, je l'ai pressé très forte­ment, et j'apprends aujourd'hui que le juge de Grasse, qui est allé faire à Saint-Auban la recherche des effets du chimiste, a trouvé dans son cabinet une de mes lettres où je l'exhortais fort d'obéir au Roi; et elle sera, entre plusieurs autres, une preuve de mon invio­lable fidélité, puisqu'on me dit que cette lettre-là est envoyée à M. Desmarets. Je suis affligé des traitements qu'on fait au pauvre captif, et surtout de ce qu'on le mène avec ignominie, garrotté pieds et mains, parce que j'ai appréhendé jusqu'ici que cela  n'effarouchât cet esprit et ne fût contraire aux intérêts du Roi, si cet homme prenait un travers d'opiniâtreté, ou venait à mourir dans un transport de chagrin.

Mais je viens d'être consolé, et je vous fais part de ma joie, en ayant l'honneur de vous apprendre que de Lisle est enfin résolu de satisfaire le Roi, et qu'il me l'a mandé en termes formels par sa lettre que je ne reçois qu'en ce moment.

En voici la copie, mot à mot.

«  je vous prie d'avoir la bonté de porter ma bouteille de poudre métallique à Paris, afin que je puisse faire voir la vérité de mon secret au Roi. Je vous demande toujours votre protection. J'ai été arrêté à Nice, et on me conduit à Marseille, à M. le comte de Gri­gnan, pour me mener à Paris. Je vous prie d'y être plus tôt que moi, puisque vous etes tout mon appui et le seul ami que j'aie au monde. »

Vous m'avez fait savoir trop clairement par mon neveu, M. du Bourget, que le Roi souhaitait, qu'en cas que de Lisle allât à Paris  je m'y rendisse sans délai avec ses poudres, pour les y apporter plus sûrement, et pour mieux engager le chimiste à faire son devoir. Vous m'en avez, dis-je, trop bien averti pour y manquer, et dès que j'ai au la nouvelle de la prise, je me suis préparé à mon départ pour lundi 16 du mois, mais je vous avoue que je craignais beaucoup de courir en vain. Je suis aujourd'hui tiré de cette crainte, puisque je vois maintenant à coup sûr par la lettre de DELISLE que mon voyage sera heureux, et mon zèle pour S. M. bien satis­fait, mais je crois qu'il serait fort à propos pour le bien du service, et pour mieux assurer ce succès, qu'on adoucit la captivité de l'homme, qu'on lui ôtât ses cordes et ses opprobres, n'y ayant rien à craindre d'une personne désarmée, quand elle est gardée par sept ou huit archers avec des armes. Si vous vouliez obtenir cet ordre, et lui faire savoir sur sa route que le Roi a bien voulu accorder cette grâce à mes très humbles prières, cela ouvrirait plus que jamais son coeur à tous mes conseils, et le Roi en serait mieux servi. Je n'agis que pour S. M., et je vais courir pour elle, de bon coeur, résolu de faire ce long voyage à cheval, faute de pouvoir prendre d'autres voitures, et malgré les neiges de ma tète, qui sont plus fâcheuses que celles de ma montagne, je vous rendrai compte de vive voix sur tout le reste.         (B. A)

 

 


D 11

 

 

PONCHARTRAIN A BERNAVILLE

 

11 août 1711.

 

 

Vous avez la même négligence en ce qui regarde le faiseur d'or, duquel vous ne me mandez rien, soit par rapport à sa santé, soit par rapport à son travail; je vous prie donc d'avoir plus d'attention sur ces sortes de choses.         (A. N.)

 

 


 

D 12

 

BERNAVILLE  A  PONCHARTRAIN.

 

 

Paris 24 octobre 1711.

 

 

La santé de notre faiseur d'or n'est pas encore fort bonne; sa plaie est encore ouverte, d'où il sort souvent des esquilles; il se dispose cependant, et M. l'évêque de Senes aussi, à travailler bientôt.

 

premier novembre1711.

 

 

Notre faiseur d'or travailla hier pour faire de la poudre de pro­jection. M. l'évêque de Senez apporta des poudres et des bouteilles ; il mit le feu au fourneau en présence de M. de Nointel, du sieur de Launey et de 3 officiers de la Monnaie, nommés par M. Desmarets, et après avoir bien soufflé pendant près de 3 heures, il ne fit rien. M. de Senes et B. de Bourget, son neveu, sont venus ce matin. Nous avons été chez lui pour savoir ses intentions ; il s dit qu'il fallait recommencer l'opération, mais auparavant taire une nou­velle préparation pendant {ô jours ou 3 semaines ; Il se porte un peu mieux depuis 3 jours, cependant sa santé n'est pas bonne; il est faible et son estomac fort dérangé.

 

8 novembre 1711

il n'y a rien de nouveau pour mademoiselle de la Mézangère  elle se porte présentement assez bien.

A l'égard du faiseur d'or, il travaille à ses préparations dont le succès n'est pas certain.

(B. N.)

 

 


D 13

 

DESMARET A D’ARGENSON

 

 

Venelles, 22 décembre 1711.

 

 

Vous etes sans doute informé que DELISLE, qui prétend avoir le secret de convertir le fer et le plomb en or et au argent, est depuis plusieurs mois à la B. Quelques circonstances qui sont survenues ont déterminé le Roi à le faire interroger pour prendre un parti convenable, et S. M. a jeté les yeux sur vous ; je ne vous expliquerai point les faits qui doivent faire la matière de cet interrogatoire, parce que M. de Nointel doit vous en remettre le mémoire.

(B. N.)

 

 


 

D 14

 

M LEBRET A DESMARET *

 

* Nicolas desmaret, controleur general, mort en 1721 ; c’etait un neveu de Colbert

 

 

M. l'évêque de Senes m'envoya il y a quelques jours une lettre que DELISLE écrivait à l'abbé de Saint-Auban, et me la recommanda comme importante; je l'ai fait remettre en main propre à l'abbé de Saint-Auban, lequel m'a fait envoyer par la poste la boite ci-jointe, avec la réponse qu'il fait à DELISLE, et que j'ai l'honneur de vous adresser.

 

J’ai pris toutes les precautions que j’ai pu pour que les tresors que cette boite peut contenir ne soient point gachées en chemin B.N.)

 

Aix le 2 janvier 1712

 

 


D 15

 

 

D'ARGENSON A M. DE NOINTEL

 

1 février 1712

 

 

Le pauvre de DELISLE finit hier tous ses interrogatoires par sa mort, qui arriva hier sur les 10 heures du soir. Sa maladie commença, sur les 5 heures du matin, par un vomissement qui lui était fort ordinaire et qui redoubla de deux heures en deux heures ; mais comme on n'y remarqua rien de singulier, on se contenta de lui faire les re­mèdes qu'on était en, usage de pratiquer quand les mémes accidents lui arrivaient, et l'on n'y vit rien, sinon qu'un demi-quart d'heure avant qu'il expirât, il lui prit une faiblesse qui lui fit perdre la parole et la connaissance, en sorte que l'on ne s'aperçut pas de son dernier soupir. On dit cependant que toutes ses drogues étaient renfermées et n'ont pas été à sa disposition ; j'ai appris seulement que, depuis son interrogatoire, il désirait mourir, et il a même fait entendre à ceux qui le servaient qu'il aurait bien voulu qu'on le lui eut fait subir dans le temps qu'il était si mal, parce qu'il en serait mort de chagrin. si j'apprends quelque chose de plus, j'aurai l'honneur de vous en informer aussitôt.

Au reste, la mort naturelle ou précipitée du malheureux fait, ce me semble, assez connaître que c'était un insigne fripon qui a mieux aimé mourir que de révéler le secret de ses friponneries.

Je ne me donne point l'honneur d'écrire sur ce sujet à M. Desmarets, parce que je suis persuadé que vous voudrez bien l'en infor­mer vous-même.

 

 

3        février 1712

 

Voilà une copie de mon procès-verbal et du rapport des chirurgiens et des médecine de la B.. qui ont assisté à l'ouverture du corps de et malheureux Provençal nommé de Lisle qui, sans doute, a mieux aimé mourir que de révéler le secret de ses friponneries. Il semble, suivant ce rapport, que sa mort est toute naturelle; cependant je soupçonne toujours qu'elle a été précipitée, et j'aurai l'honneur de vous dire vendredi matin les motifs de ma conviction.

On continuera de tenir cette mort secrète, comme on le pratique ordinairement, jusqu'à ce que vous nous ayez fait savoir si M. le contrôleur général juge â propos qu'on la rende publique, et il sera bon d'attendre au moins jusqu'à ce que M. l'évêque de Senez s'en retourne dans son diocèse.         (B. N.)